Comment les internautes congolais s'empoisonnent entre eux ?
Elle leur a administré un traitement qu’elle pensait être un préventif contre le coronavirus, dont l’apparition venait d’être officiellement annoncée en RDC. Cependant, le mélange de jus de citron et du Kongo Bololo, une plante très utilisée pour ses vertus médicinales, aura été fatal pour ses trois enfants qui y succomberont. Ce drame n’est que le reflet de l’incidence des rumeurs sur la santé publique en RDC. Une autre victime sera enregistrée à Gemena dans la province du Sud-Ubangi. Dès l’apparition du Coronavirus, des traitements miracles circuleront en masse sur WhatsApp, avec des combinaisons de médicaments et de procédés aussi douteux les uns que les autres.
Les conséquences de cette désinformation médicale sont allées plus loin, en radicalisant la population face à la vaccination contre la Covid19. Une défiance qui s’est étendue à d’autres campagnes de vaccination appliquées aux enfants comme le choléra, où de nombreux parents se sont montrés de plus en plus réticents.
Des influenceurs sous emprise
De nombreux leaders d’opinion ont été à la base de la circulation d’infox médicales qui se sont consolidées dans la conscience collective. L’avis des experts, peu nombreux et très peu médiatisés n’aura pas suffi à inverser la tendance à temps. Héros de la lutte contre Ebola, le Dr Muyembe, coordonnateur national en charge de la riposte contre la Covid19 sera lui-même victime de désinformation, présenté par des mouvements anti-vaccins comme souhaitant imposer des expériences cliniques d’un vaccin expérimental au profit de firmes pharmaceutiques occidentales.
L’impact néfaste du numérique sur la santé sexuelle et reproductive n’est plus à démontrer. Sur Tiktok, de nombreux coaches improvisés en ont fait un juteux filon, proposant des recettes miracles et des produits censés booster l’endurance ou favoriser l’agrandissement des organes génitaux et de certaines parties du corps. Ces produits, distribués sans contrôle médical exposent ceux qui les consomment à de nombreuses maladies. Pour créer une illusion d'autorité, certains de ces coachs se présentent en blouse blanche ou font parler des stars de la musique pour accréditer l'idée que leurs produits sont de bonne qualité.
Il est de plus en plus fréquent de voir des jeunes se présenter à l’hôpital avec des problèmes d’insuffisance rénale à un stade avancé explique le Dr. Delphin Katshelewa, responsable de l’Alliance pour le Bien-être familial (ABEF/ND) que j’ai rencontré lors de la célébration de journée mondiale de la jeunesse à Kinshasa. De nombreux patients ont également des problèmes au niveau du foie. Il n’est pas ainsi rare selon le médecin, de voir des très jeunes âgés de 10 à 12 ans en consommer révèle-t-il.
Certifier l’information sanitaire en ligne revêt donc une importance capitale pour la préservation de la santé publique. Et à ce niveau, chaque utilisateur constitue un maillon de la chaine dont, l'action en amont (de ne pas partager une information médicale douteuse) peut sauver des vies en aval.
Une information non vérifiée que vous partagez peut conduire quelqu’un, à consommer un produit dont l’issue lui sera fatale à moyen et long terme. Il est donc important dans ce contexte de se rassurer que ce qui touche à la santé de façon générale a été approuvé ou confirmé par une source crédible.
Le fait qu'un influenceur comme une célébrité nationale vante un produit n'en fait pas pour autant quelque chose de fiable. Vous pouvez sauver une ou plusieurs vies.