Internews lance une campagne en ligne contre la désinformation en RDC
Jadis, la primauté de l’information était l’apanage du journaliste dont la tâche consiste en la collecte, le traitement et la diffusion de l’information. Dans ce traitement intervient le recoupage, le croisement des éléments avant leur diffusion. Aujourd’hui cependant, n’importe qui de par son smartphone peut se substituer à celui-ci et diffuser des informations n’ayant pas suivi le même parcours.
Intervenant lors du lancement de la campagne en ligne sur la désinformation le jeudi 5 août, l’Honorable Christelle Vuanga, ancienne journaliste, a évoqué un cas où elle s’était vu attribuer des propos sur la modicité des salaires des députés nationaux nécessitant une augmentation. Ce pamphlet sera largement relayé sur la toile, y compris par des journalistes qui ne prirent pas la peine de la contacter pour s’assurer de la véracité des propos évoqués.
La désinformation a pris une ampleur inquiétante en RDC depuis le développement de l’écosystème internet. Aux origines, l’absence d’informations viables à une époque où les médias étaient censurés et l’information monopolisée par l’État, avait ouvert la voie au bouche-à-oreille (radio-trottoir) qui s’est posé en alternatives au narratif officiel. L’ouverture démocratique de 1990 a donné lieu à la prolifération d’organes de presse, dont nombreux, économiquement non viables et structurellement faibles ont favorisé la prolifération de la presse à sensation.
Avec 20 millions d’utilisateurs actifs dans le pays, l’internet est le troisième média le plus suivi/utilisé en RDC, principalement par les jeunes entre 18 et 35 ans selon une récente étude. Lors de la conférence RightsCon en 2020 sous les auspices de la RNW média sur les conséquences de l’infodémie dans le monde, il a été constaté qu'en RDC, c’est le réseau de microblogging Twitter qui était la principale source par laquelle les fakenews étaient produites avant de se répandre en masse dans les groupes WhatsApp et Facebook.
Juger du vrai et du faux est une étape essentielle pour enrayer « le partage » sur lequel reposent les fakenews pour atteindre le plus grand nombre et créer l’impact recherché par leurs auteurs. Le premier réflexe devant une information potentiellement fausse est de ne pas la partager pour en limiter la portée.
Les répercussions de la désinformation sont lourdes de conséquences pour ceux qui les créent ainsi que pour ceux qui les relayent volontairement. En l’absence de loi spécifique sur le sujet, c’est dans le Code pénal et la jurisprudence que les sanctions sont puisées pour sévir.
L’article 199 du Code pénal est celui qui est mis en avant : « Quiconque, en répandant sciemment de faux bruits de nature à alarmer les populations, à les inquiéter ou à les exciter contre les pouvoirs établis, aura porté ou aura cherché à porter le trouble dans l’État, sera puni d’une servitude pénale de deux mois à trois ans et d’une amende. ».
Le cas de l’ancien vice-président Azarias Ruberwa, accusé d’entretenir une milice à son domicile est l’un des cas d’école où, le responsable arrêté avait été interpellé et condamné à huit mois de prison.
Concernant les journalistes, les cas sont nombreux comme celui de Patrice Booto, directeur du trihebdomadaire Le Journal et de son supplément Pool Malebo qui avait publié un article affirmant que le président Joseph Kabila avait offert 30 millions de dollars au secteur de l’éducation de la Tanzanie, en pleine revendication sociale des enseignants en RDC.
Arrêté, il reconnaitra que ces informations étaient fausses. Ce qui poussa le secrétaire général de l’ONG Journaliste en danger Tshivis Tshivuadi de déclarer :
Quel que soit tout le mal que l’on peut penser de la justice congolaise accusée, à tort ou à raison, d’être corrompue ou inféodée au politique ; quelle que soient les réformes que l’on peut apporter aux lois actuelles sur la presse dont on dit qu’elles sont liberticides, force est de constater que bon nombre d’attaques que subissent les journalistes et les médias pouvaient être évitées en faisant preuve d’un peu plus de professionnalisme et de responsabilité dans l’exercice de sa profession.
Média en ligne made in Facebook
Actuellement, de nombreux médias ne disposant que d’une page Facebook se sont multipliés et proposent des informations récupérées sur internet pour faire le buzz. Ils ne disposent d’aucun site internet, encore moins de ligne éditoriale claire. La course aux vues et aux partages pousse nombreux d’entre eux à véhiculer de fausses informations pour se faire remarquer.
Différentes jurisprudences ont placé ceux qui relayent les fakenews comme complices dans la propagation des faux bruits. Alors avant de partager une information sur un sujet sensible, réfléchissez-y à deux fois.