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par Trésor Kalonji

Kinoiseries en ligne : la fracture numérique à la congolaise

5 Novembre 2018 , Rédigé par tresorkalonji.over-blog.com Publié dans #Kinoiserie, #Esprit Kinois, #Clash, #RDC, #Kinshasa, #rivalités, #Communes, #Kretsh

« Vous là qui faites du bruit, sachez que nous ne sommes ni à Bumbu, ni à Selembao. Ces mots sont du Directeur Marketing de VodaCom, prononcés lors de la finale de l’édition Miss VodaCom organisée en 2014. Au moment des faits, celui-ci, irrité par le vacarme provenant du public, a lâché par inadvertance cette phrase qui allait faire tache d’huile et constituer, l’une des plus grandes crises médiatiques de cette société de télécommunication. Il ne fallut pas longtemps pour que les habitants de ces deux communes ne montent au créneau. 

Sur Internet, à travers Facebook et Youtube, la crise s’amplifie et de nombreux internautes appellent au boycott de l’opérateur. Devant le tollé provoqué, l'incriminé finira par présenter des excuses publiques. Mais le mal était déjà fait.

Molière s’en mêle
Réputé très critique du pouvoir et versant dans le populisme médiatique pour de nombreux membres de la presse, Léon Lembalemba dit Papa Molière, ravive la polémique en mettant en ligne une vidéo dans laquelle, il attache les silhouettes de jeunes femmes comme des représentations des communes de Kinshasa. Les femmes de forte taille et au maquillage extravagant sont assimilées à la commune de Bumbu. C’est le début du phénomène dit « Bumbu » qui donnera lieu au harcèlement des femmes fortes à Kinshasa en 2017. 

De nouveau, les habitants de la commune de Bumbu subissent moqueries et railleries en ligne de la part des autres habitants de Kinshasa, qui la considère comme arriéré et sous-développé. 

Clash inter-communes
Ce n’est pas pour autant un acte isolé. Depuis que le musicien JB Mpiana , après avoir été empêché de se produire au Zénith de Paris par des dissidents du pouvoir, avait lancé son fameux « Bandal c’est Paris » après un concert, les différentes communes se sont lancées dans une compétition de comparaison. 

Lingwala s’est surnommé Washington car abritant les installations du Parlement, Lemba dispute à Bandal son statut Parisien du fait d’abriter l’une des plus hautes tours du Pays (l’échangeur). Selembao et Ndjili se disputent le nom de Tokyo. Seule la commune de la Gombe, siège des institutions, ne s’est jamais prêtée au jeu. 

Ces comparaisons qui, au lieu de rester bon enfant, ont fini par dégénérer en clash entre les habitants de ces différentes communes. A chaque pluie diluvienne, les inondations de Bandal sont exhibées sur les réseaux sociaux en signe de moquerie. 

Bandal c'est Paris

Une rivalité exacerbée par des bandes qui se sont formées.
Au-delà, d’autres stéréotypes se sont créés, donnant aux habitants de chaque commune, des caractéristiques précises. 

Les habitants de Kisenso seraient des petits débrouillards et vendeurs à la crié, ceux de Kasa-vubu des faux-monnayeurs, Barumbu temple de la prostitution, Kalamu celle de l’ivrognerie et j’en passe. 

Esprit Kinois Vs Kinoiserie
En y regardant de près, les gens semblent penser que c’est la commune comme aire géographique détermine la mentalité des gens, or que c’est plutôt l’inverse. La Bracongo l’a illustré il y a quelque temps à travers une bande dessinée qui oppose deux mentalités. 

La Kinoiserie représentant tout comportement négatif fait par les Kinois dans leurs interactions quotidiennes, alors que l’esprit Kinois étant l’attitude responsable que ceux-ci devraient avoir. 

Les préjugés que les Kinois ont entre eux et envers les ressortissants d’autres provinces voire d’autres pays, font partie de cette Kinoiserie, une mentalité qui catégorise l’autre en fonction de ce qu’il mange, boit, porte comme vêtement ou parle. A Kinshasa il y’a les natifs de….qui sont nés et ont grandi dans des communes précises et dénigrent les autres. Je suis arrivé à Kinshasa en 1988. 

J’ai vécu successivement à MateteLembaKalamuLimete et Binza. Je me considère comme vrai Kinois parce que j’ai parcouru toutes les 24 communes de la ville. Je peux vivre dans n’importe laquelle de ces communes si les conditions que je recherche s’y prêtent, mais jamais, au grand jamais, je ne minimiserai quelqu’un à cause de cela. 

Vous souvenez-vous de cette chanson de JB Mpiana : Basusu liboso yako linga motemabakoma ko tuna ofandaka wapi ? Aie biso to fandi na malekwa nani akolinga biso ehhhhmusika elekiba ngungi baleki. (Avant d’aimer quelqu’un, on lui demande où il ou elle habite. Aie, nous qui vivons à Malekwa, qui donc nous aimera ? C'est trop loin, il y'a trop de moustiques.).

Comme tout Kinois, j’avais une idée fixe sur les Rwandais, les Burundais et les Ougandais qu’on nous présentait à la télévision comme nos ennemis pendant la guerre. Ce n’est qu’après en avoir rencontré hors du pays et y avoir vécu, que je me suis remis en question. Voyager ouvre l’esprit et apporte de nouvelles connaissances. 

Visitez Kinshasa. Tout Kinshasa. Faites un tour dans les 24 communes pour prendre un verre dans un bistrot, regarder un match, acheter des provisions ou tout simplement vous balader, vous vous rendrez compte par vous-même, que c'est comme cela que l'on développe le véritable Esprit Kinois. 

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