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par Trésor Kalonji

Manipulations digitales : mode d’emploi

22 Août 2018 , Rédigé par tresorkalonji.over-blog.com Publié dans #RDC, #préjugés, #stéréotypes, #tribalisme, #xénophobie, #divisions, #élections

Inciter à la haine envers un groupe en misant sur les préjugés, attiser les tensions communautaires ou orienter les choix et les décisions des gens par de la sujétion mentale, toutes ces techniques font partie des techniques de manipulation classiques. Elles ont connu une nouvelle vie avec l’arrivée des réseaux sociaux où elles causent plus de dégâts que via d’autres méthodes traditionnelles. 

Dans nos interactions quotidiennes sur les réseaux sociaux, il n’est pas rare de tomber sur des Posts dérangeants, dépeignant une ethnie sous son mauvais jour, se nourrissant des préjugés véhiculés dans notre société. Sur une image d’une maternité bondée, certains ne manqueront pas de sourcer l’image à un hôpital du Kasaï nourrissant l’idée selon laquelle ils sont apprentis en matière de contrôle des natalités. Dans un autre meme, des dîneurs attablés devant une masse de nourriture sont comparés aux ressortissants du Kongo Central pour leur avarice.

Si ces images parfois humoristiques semblent inoffensives, elles sont des armes redoutables qui peuvent servir à influencer la perception d’électeurs sur des candidats ressortissants de ces groupes et dont les préjugés leurs sont vite collés comme étant des modes de gouvernance innées.

Il existe même une expression en lingala qui dit : Muyaka moko nde afingisa bayaka nionso (la faute d’un seul membre de la tribu YAKA est retombée sur toute sa tribu). Un exemple de la façon dont certaines expériences vécues se sont érigées en normes sociales.

Pour se faire une idée claire des préjugés à Kinshasa, la très populaire chanson "En tout cas" en Lingala, dresse les caractéristiques supposées des ethnies en fonction de leurs groupes linguistiques dans ce clip.

L’expérience américaine

A la faveur des tensions entre la police et la communauté noire des Etats-Unis, de nombreux groupes ont émergé sur Facebook aux deux extrémités, certains fustigeant la brutalité policière à laquelle ils sont exposés et à l’opposé, ceux fustigeant la banalisation de la criminalité chez les noirs qui affectent la sécurité des policiers. Des campagnes financées sur Facebook et visant spécifiquement des afro-américains issus de villes confrontées à la violence policière comme Baltimore, Chicago ou Charleston.

De faux comptes alimentés par des documents volés (permis de conduire, carte de sécurité sociale) ont permis d’alimenter ces allégations en commentaires et créer un engagement pour plus de viralité. Ces faux influenceurs dont la couverture a été entretenue durant des mois, auraient joué un rôle crucial dans le faible taux de participation des noirs au élections et à leur désintérêt des questions politiques.

Les réseaux sociaux influencent l’opinion ?

C’est ce qui ressort d’une étude publiée aux USA par un cabinet spécialisé. Il y est fait mention que 14% des personnes sondées ont changé leurs opinions suite à une information qu’ils ont vu sur leurs timeline dans les réseaux sociaux. Afin d’arriver à mener à bien ces actions, un profiling des internautes est effectué pour cibler spécifiquement ceux à qui ces messages peuvent impliquer des réactions émotionnelles susceptibles d’influencer leurs jugements.

Devant le scandale provoqué par la société Cambridge Analytica, qui aurait fait un usage excessif de Dark Post, publications ciblées envers des personnes indécises dans des états-clés des USA pour influencer leur perception en défaveur d’un candidat, Facebook a décidé de supprimer les options publicitaires permettant d’identifier les données de nature ethnique ou religieuse des abonnés.

C’est bel et bien la fibre émotionnelle des internautes sur laquelle surfent les auteurs de ces manipulations, qui trouvent un terrain fertile dans les préjugés et les stéréotypes qui minent la société congolaise. Le souvenir d’événements douloureux (tueries des Kasaïens au Shaba, massacres à l’est), la méfiance entre communautés (Rwandophobie) ou dans le cas de Kinshasa, les multiples idées préconçues que chaque ethnie entretient sur les autres, prédisposent le Net congolais à des scénarios de manipulation où, les candidats aux scrutins seront les parfaits cobayes.

Le Mapping de la division

Ceci est la matière première sur base de laquelle, se focaliseront les Post actuels et futurs pour attiser les tensions et désinformer l’opinion à des fins électorales. Avec près de 250 ethnies toutes se cotoyant à Kinshasa, la capitale congolaise a vu se développer de nombreux mythes et autres idées qui régulent les liens sociaux. Ne pouvant pas dresser une liste exacte basée sur l’origine ethnique des 25 candidats déclarés à l’élection présidentielle du 23 décembre 2018, je me contenterai de dégager les stéréotypes et préjugés des quatre groupes linguistiques de la RDC auxquels s’identifient toutes ces tribus que j'ai pu récolter un groupe Facebook très fréquenté dénommé KINSHASA MAKAMBO regroupant 986.000 membres, pour avoir une idée générale des commentaires qui pourraient émerger dans les prochains mois sur les réseaux sociaux.

Swahiliphones : (Nord & Sud Kivu, Ituri, Haut & Bas Uélé, Tshopo, Maniema, Tanganyika, Haut-Katanga, Haut Lomami, Lualaba) : Volage, accroc à l’alcool. Peu généreux et tribaux. Cupide. Manipulateur. Versatile. Hommes à femmes. Soupçonneux. Spécialiste des poisons. Margoulin.

Lingalaphones : (Nord et Sud Ubangi, Equateur, Mongala, Tshuapa): Entreprenant. Autoritaire. Généreux. Violent. Irrespectueux. Impudique.

Kikongophone : ( Kongo central, Kwango, Kwilu, Maï-Ndombe) : Fétichiste. Culte du diplôme. Sectaire. Xénophobe.

Tshilubaphone : Kasaï, Kasaï-central, Sankuru, Lomami) : Vantard. Orgueilleux. Procréent beaucoup. Sectaire. Hautain.

 

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