Portail du Gouvernement : le Ministère du Numérique entre dans l’arène
Le portail web des institutions de la RDC a été présenté au public le lundi 14 février par le Ministre en charge du numérique, le Prof. Eberande Kolongele devant plusieurs membres du Gouvernement et le Premier Ministre Sama Lukonde.
L’occasion pour le Ministre de l’Information et de la Communication de présenter également la charte graphique du Gouvernement, sur base de laquelle seront désormais conçus tous les supports officiels de communication électronique et physique.
Le portail actuel succède à un autre, lancé 10 ans plus tôt par le Ministère des PT-NTIC qui a fini par fermer, faute de mises à jour régulières, consécutives à l’absence de politique de coordination des informations entre les structures officielles.
La législation en RDC ne suit pas malheureusement le rythme de l’évolution technologique. Quand Télécel, le premier réseau de téléphonie mobile sur le continent commence ses opérations au Zaïre, les autorités de l’époque n’ont aucune idée sur les modalités devant encadrer ce nouveau secteur et exigent que la société à qui elles allaient octroyer le droit d’opérer propose une loi pour réglementer la téléphonie mobile, alors même qu’une autre, datant de 1940, accordait le monopole de l’exploitation des télécommunications à l’État seul. Situation similaire dans l’élaboration du modèle standard d’interconnexion aux concessionnaires locaux des services publics des Télécoms, entièrement conçu par les opérateurs eux-mêmes.
Ce sont donc les acteurs du secteur qui ont, pendant longtemps, opéré avant le cadre devant les régir. Comment peut-il en être autrement puisque la Constitution, en ses articles 122 et 123, énumère les matières relevant de la loi, et en exclut les télécommunications, leur conférant un caractère règlementaire. Une situation qui perdure depuis l’acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition du 2 avril 1993.
Pourtant le dynamisme sans cesse croissant du secteur, avec un cycle d’innovation permanent qui se renouvelle tous les 5 à 10 ans, apportant des services à valeur ajoutée qui créent de nouveaux métiers et s’adaptent à quasi tous les secteurs d’activités professionnelles ; exige une régulation et une règlementation qui ne peuvent pas que se limiter à des décrets, ordonnances ou arrêtés ministériels émanant du seul pouvoir exécutif. En 2008, une commission d’enquête du Sénat a révélé l’absence de politique claire dans le secteur et la confusion suscitée par les dispositions législatives.
Alors que l’article 92, alinéa 3 de la Constitution ne donne pas la latitude d’un échange participatif entre les acteurs publics et privés dans l’élaboration des lois, le Plan National du Numérique en est l’exemple contraire, car il a recueilli les avis et les recommandations des gouverneurs de province, des députés provinciaux, de la société civile et du secteur privé ; même si, à plusieurs égards, on a noté l’absence d’implication de plusieurs acteurs clé de l’écosystème numérique comme les régulateurs techniques généraux à savoir l’Internet society (ISOC) dont le travail avec l’IETF (Internet Engineering Task Force) touche directement à l’architecture d’Internet ; la Banque centrale du Congo dont la prise de position face à la cryptomonnaie sortait de ses prérogatives ; les cyberconsommateurs (les usagers des services) et les nouveaux corps de métiers résultants du numérique (blogueurs, marketeurs numériques, community managers).
Il y a encore du chemin à parcourir
La RDC est classée 176è sur 184 pays sur le niveau de numérisation des services publics du e-Government Development Index 2020 établi par les Nations Unies. Avec une administration non préparée et une interconnexion faible entre services, la transformation numérique de l'Administration est d'une importance capitale pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption et la désinformation.
De nombreuses avancées ont été faites comme l'intégration du logiciel Isys-Régie dans le secteur des finances, le visa électronique délivré par la DGM, le système national d’information sanitaire avec le logiciel DHIS2 ou encore, la cartographie numérique d’informations géospatiales de la CENI. Malgré ces progrès, le niveau de maturité reste encore très faible.
La conception du Plan Numérique National (PNN) devait répondre à ce gap en investissant sur les infrastructures, les contenus, les usages applicatifs, la gouvernance et la régulation. Avec près de 21 millions d’internautes, une connectivité à Internet peu fiable malgré la fibre optique sans maillage entre les villes et des abonnés qui rechignent à se faire identifier, les performances des services publics en matière d’e-administration sont encore en dessous des attentes.
Un outil contre les fakenews
L’une des façons de lutter contre les fakenews est de jouer la carte de la transparence. Cette précision est du Ministre de la Communication qui affirmait que la désinformation se nourrit essentiellement du non-accès aux données publiques.
Le Gouvernement a promis de combler ce déficit à l’occasion des états généraux de la Communication et des médias. Le portail se voulant être, la source par laquelle, l’accès à toutes les activités du Gouvernement, des entités décentralisées et d’autres institutions (Parlement, Pouvoir judiciaire) pourront être accessibles. Il se veut être également un miroir d’une image différente du Congo, présentant ses atouts culturels, miniers et toute sa diversité.
En tant que conseiller technique du Gouvernement dans la sphère digitale, le Ministère du Numérique devra, je l’espère, transformer notre Administration de fond en comble, sans quoi, toutes les initiatives de gouvernance qu’entreprend le pays risqueront de se buter à de nombreux obstacles.