Comment vivre avec le volcan le plus actif d’Afrique ?
L’éruption du Nyirangongo à l’est de la RDC a suscité de nombreuses interrogations au sein de l’opinion publique qui découvrait la plus grande catastrophe naturelle de ces 20 dernières années. Près de 500 maisons détruites, des dizaines de villages affectés et une trentaine de morts.
Pour Goma, une ville florissante qui rivalise économiquement avec Kinshasa et Lubumbashi, le choc est d’autant plus grand. Alors que les commentaires vont bon train sur la responsabilité des autorités sur la prévention de la catastrophe que l’observatioire volcanologique n’a pas pu anticiper faute de budget, la réalité est bien autre : la ville est assise sur un brasier permanent.
Le Nyirangongo et le Nyamulagira représentent à eux deux, 40% des éruptions volcaniques signalées en Afrique.
Poste avancé pendant la colonisation, la ville a rapidement grandi pour devenir une grande agglomération. Elle gagne en importance lors du démembrement territorial post-indépendance qui en fait la capitale du Nord-Kivu au détriment de Bukavu qui se voit détachée dans le Sud-Kivu. L’étroitesse des lieux laisse peu de choix aux habitants cernés par le volcan Nyirangongo, le lac Kivu, la frontière rwandaise et le Parc des Virunga.
Les éruptions de 1977 et de 2002 réduisent la superficie du lac que les Gomatraciens récupèrent pour y construire. L’actuel hôtel Serena, présenté comme un bijou d’architecture, occupe une partie de ce bout de roche, se trouvant ainsi sur le tracé de l’ancienne éruption.
Malgré la catastrophe de 2002 qui emporta la cathédrale de la ville, déclenchant des explosions dans les stations d’essence et tuant 147 personnes, des habitations ont émergé sur les laves volcaniques durcies et la pression démographique a accentué l’occupation des zones à risques comme le quartier Himbi que j’ai visité une fois et où l’on peut voir de nombreux cailloux qui étaient autrefois des laves.
Mais la lave ne se trouve pas que sous le cratère des volcans. Elle est également sous la ville elle-même et le lac Kivu. Voilà pourquoi, il est recommandé de ne pas construire un immeuble de plus de 6 étages. La situation avec le lac Kivu est beaucoup plus grave. Si la lave atteint les eaux du lac déjà dense en gaz méthane, la conséquence serait une éruption « limnique » qui entrainera l’asphyxie de toute forme de vie dans un vaste rayon, à l’exemple de ceux des lacs Mounoun et Nyos au Cameroun dont le méthane tua 1 700 personnes en 1984.
Si une éruption se passait sous le lac ou que la lave déferlant du Nyirangongo parvenait à aller jusqu'à 330 mètres de profondeur, là où la concentration du gaz est la plus forte, le méthane, combiné au gaz carbonique provenant en grande partie des déchets qui y sont déversés, entraîneront un drame sans précédent.
Délocaliser ou s’adapter ?
Pour ceux qui ont construit leur vie dans cette ville, y ont grandi et fondé une famille, partir n’est pas une option. Pour un scientifique que j’ai interrogé, la solution la moins contraignante serait de concevoir un système de préalerte plus efficace et des mécanismes d’évacuation de la population vers des centres de refuge ou en direction d’autres localités comme Sake ou le Rwanda voisin.
Le problème réside désormais dans la densité. Comment arriver à rapidement évacuer 2 millions de personnes face à des laves qui progressent à une vitesse allant de 60 à 100 km par heure ? Le tout combiné à un lac Kivu et ses 300 km3 de C02 et 60 km3 de méthane dont une variation de température peut également transformer en bombe.
La dégazification contrôlée du lac pour la production énergétique pourrait être une solution palliative. Mais la grande inconnue reste les deux colosses qui se dressent devant la ville. En août 2020, les chercheurs de l’observatoire volcanologique estimaient que la prochaine éruption devait avoir lieu entre 2024 et 2027. Celle-ci semble donc sonner comme un avertissement.