François Beya, le nouveau patron du renseignement congolais et les défis qui l'attendent
François Beya Kasonga, ancien chef de la Direction générale des migrations (DGM), a été nommé Conseiller spécial en matière de sécurité du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi. L’équivalent du Conseiller à la sécurité nationale aux Etats-Unis. A ce titre, il sera le coordonnateur de tous les services de sécurité en RDC. De nombreux défis attendent le nouveau patron des services de renseignements dont entre autres, des réformes et l’adaptation à de nouvelles menaces qui touchent à la sécurité nationale.
Les deux guerres du Shaba à la fin des années 70 ont vu des miliciens (ex gendarmes katangais), responsables de la première sécession après l'indépendance du pays, réfugiés en Angola, envahir la riche province minière du Shaba (Katanga). Une attaque qui fut qualifiée de surprise, malgré de multiples signes avant-coureurs qui en laisser présager l’imminence. A la fin de la guerre, le président Mobutu fait un état des lieux contenu dans un livre blanc édité par les Forces Armées Zaïroises.
En découlera la création du Conseil national de sécurité (CNS). Cependant, le Président Mobutu n’appliqua pas les recommandations issues de ces évaluations et s’appliqua à "fétichiser" la frontière à travers des marabouts selon Emmanuel Dungia, diplomate et ex agent des services de renseignements dans son livre, Mobutu et l’argent du Zaïre, paru chez l’Harmattan en 1992.
Pendant ce temps, les services de renseignements ont fonctionné sur un modèle similaire à celui de la Loi des suspects, mise en place en 1793 après la révolution française, ciblant très souvent les gens en fonction de leurs opinions, plutôt que du danger qu’ils étaient susceptibles de représenter pour la sécurité nationale.
Penseur du 19è siècle, Lewis Goldsmith livrait ce qu’était la méthodologie des services de renseignements après la Révolution française en ces termes : les espions de la police sont obligés de faire des dénonciations, vraies ou fausses, sous peine d’être renvoyés parce qu’il faut que la police travaille ».
![La loi des suspects après la Révolution française - police secrète](https://img.over-blog-kiwi.com/1/61/88/55/20190203/ob_bed2ba_capture-d-e-cran-2019-02-03-a-10.png)
Stérilité intellectuelle
Considérée comme une discipline relevant de l’appareil sécuritaire dit sensible, le Renseignement n’a pas bénéficié de l’attention particulière de l’élite scientifique et de la Recherche en RDC.
Entretemps, Outre-Atlantique, les universités et des instituts dispensent des formations couvrant les principaux aspects de la profession, allant des fondements structurels jusqu’aux méthodes analytiques.
Aux Etats-Unis, ces institutions seraient près de 3.000, dispensant des cursus dans des filières comme les relations internationales ou les sciences historiques et débouchant sur une qualification académique comme Bachelor Degree in Intelligence (4 ans) dédiée à la formation des analystes et à une Maîtrise Master of Science in Applied Intelligence.
A l’époque du Zaïre, une grande partie des analystes de l’Agence nationale de documentation et d’autres services comme les migrations, étaient d’anciens étudiants d’histoire, notamment de l'Université pédagogique nationale et de l'Université de Kinshasa.
La méfiance envers les intellectuels
En Afrique subsaharienne, les agences de renseignements disposent de leurs propres centres de formation. L’absence de culture critique et d’analyse scientifique face à un secteur en perpétuelle mutation et soumis à de nouvelles menaces, a favorisé la primauté de l’action sur la pensée doctrinale. La peur chez les décideurs étant de faire face à une trop grande érudition, signe de la méfiance générale envers les intellectuels qui secoue la société congolaise.
L’Europe a, à une période de son histoire, connu une situation similaire, où scientifiques et intellectuels étaient assimilés à des parias, persécutés ou méprisés par des sociétés mentalement prisonnières des traditions qui mettent de côté les rigueurs de la pensée scientifique.
Après tout, au vu de la pression quotidienne à laquelle doivent faire face ces services, l’utilisation des méthodes scientifiques pour valider le processus de production de l’information stratégique n’est pas au goût de tout le monde. De nombreux services s’y soustraient, de peur de se perdre dans les contraintes que lui imposerait la rigueur scientifique.
Les nouvelles menaces
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Au-delà des menaces dites conventionnelles, s’ajoutent de nouvelles pesanteurs dans l’espace sécuritaire comme la cybercriminalité, le cyber-terrorisme ou le bio-terrorisme, qui nécessitent une adaptation vers le renseignement scientifique et technologique.
Le nouveau Conseiller spécial a donc un travail de fond à réaliser qui doit miser sur des réformes, devant conduire à plus de professionnalisme, établir un climat de confiance aussi bien en interne qu'avec les grand public et l'élite scientifique.