Article 15 : au coeur du business des cryptomonnaies en RDC
My GoldRev, un nom qui a défrayé la chronique en RDC au courant de cette année, entrainant une sorte de ruée vers l’or sur cette compagnie qui proposait un modèle d’investissement particulier où, les gains placés étaient multipliés en fonction du niveau de la mise des clients et souvent, dans des proportions très grandes. Ce n’est lorsque quelqu’un m’aborde pour me demander conseil sur l’opportunité ou non d’y investir ses 20 $ que je commence à m’intéresser à cette société.
Je tente d’abord de me renseigner sur sa viabilité; elle qui se décrit comme une société d’investissement en cryptomonnaie. Mes contacts me confirment que My GoldRev a bel et bien déposé une demande d’agrément à la Banque centrale pour opérer en tant qu’institution financière, mais qu’elle refusait de verser de caution de garantie. Ce à quoi la Banque a opposé un refus. Cela n’a pas empêché pour autant la société de prospérer et d’ouvrir des bureaux un peu partout. Un cambiste que je connaissais y plaçait une partie de son capital qui augmentait de 20 à 30 % d’intérêts chaque semaine. Ce qui me tracassait pourtant était que très peu de clients ne savaient grand-chose sur la cryptomonnaie, sauf le fait que c’est dans ça que My GoldRev était actif. C’est de là que m’est venue l’idée de tourner un documentaire.
Le tournage
Trois mois qui auront consisté à trouver des victimes aussi bien à Kinshasa qu’à l’intérieur du pays. La collecte de données auprès des autorités aura été le plus difficile. Ni la Banque centrale ni les autorités provinciales du Nord-Kivu n’ont souhaité publiquement s’exprimer sur la question. Au détour des investigations, je découvre d’autres sociétés qui ont procédé aux mêmes opérations comme Onecoin, Standard capital, Dutch. Nous avons retrouvé d’anciens clients ayant subi des expériences similaires en 1991. Comme quoi, ce genre d’arnaque ne date pas d’aujourd’hui.
La projection
C’est le 30 novembre que j’ai projeté le documentaire à Kinshasa à l’espace américain de l’Université protestante au Congo. Dans le public, d’anciens clients déçus, mais aussi quelques curieux. À l’issue de la projection, les vues du public, bien qu’hétéroclite, ont convergé vers une conclusion : la création d’une banque du numérique.
Car, à quoi bon continuer à déclarer illégale les cryptomonnaies quand la première économie africaine, le Nigéria, a lancé sa propre monnaie virtuelle sous le contrôle de sa banque centrale.
Les cryptomonnaies sont l’avenir et leur entrée ne se fera pas à coup d’interdictions, mais en nous préparant à les encadrer. Avoir des bureaux de change en Bitcoin ou des services financiers dans cette monnaie devraient donc, selon les participants être encadré par la Banque centrale. D’autant plus que le documentaire a révélé que My GoldRev n’avait officiellement jamais ouvert ses portes en RDC, mais que c’était plutôt un individu qui se faisait passer pour elle, collectant de l’argent qu’il réinvestissait en bourse. En cas de bénéfices, il repartageait les gains avec les souscripteurs. Ce n’est que le jour où il a perdu que les problèmes ont commencé.
De façon générale, la seule certitude que j’ai acquise durant le tournage d’Article 15 est que les Congolais n’ont pas la notion du risque financier. Pour eux, tout investissement ne peut que rapporter des bénéfices. En cas de perte, ce n’est pas le marché qu’il faut blâmer, mais la structure dans laquelle ils ont placé leurs fonds. Peut-on un jour voir une place boursière ouvrir ses portes en RDC avec une telle mentalité ? Je n’ai pas la réponse.
En attendant, tout comme 40 autres banques centrales dans le monde, les participants à la projection d’Article 15 demandent au gouvernement d’emboiter le pas au Nigeria et de créer un Franc congolais virtuel.