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par Trésor Kalonji

La Rwandophobie : la fausse note de l'atelier sur le numérique

10 Septembre 2019 , Rédigé par TDK Publié dans #Afrique, #RDC, #réseaux sociaux

L’atelier de validation du plan numérique de la RDC a vécu. Après son lancement par le chef de l’Etat dont le discours programme a énuméré les résultats attendus de ces assises, la place était aux travaux en commission et à des échanges. L’un d’entre eux a jeté de l’huile sur le feu et fait naître une polémique qui n’avait pas raison d’être. 

Tout commence sur WhatsApp. De nombreux internautes partagent des messages transférés sur lesquels on peut lire que des révélations explosives ont fait état de la mainmise du Rwanda sur le réseau de télécommunication national par fibre optique. 

Une révélation d’un expert en la matière qui, audio à l’appui dans une interview avec des journalistes de la Radio Top Congo, cite une société rwandaise prestataire de services pour la SCPT, l’opérateur national et gestionnaire de la fibre. 


Les auteurs de ces déclarations affirment que le serveur gérant la fibre se trouve à Kigali et que de ce fait, toutes les communications sensibles du pays y transiteraient. Ce qui a bien entendu raviver les théories conspirationnistes. 
Après deux jours de polémique, la SCPT, directement indexée dans ces déclarations, publiera un communiqué officiel battant en brèche toutes ces affirmations et réaffirmant son contrôle total sur cette infrastructure. 
Mais alors, comment se fait-il que la presse et une partie de l’opinion se soit emballée si vite ?


La Rwandophobie
L’attitude de méfiance envers le Rwanda tient à celle des Rwandophones Congolais, une partie de la population installée à l’est du pays et dont les rapports avec d’autres communautés sont tendus depuis l’indépendance. Des conflits fonciers auxquels sont venus s’ajouter ceux sur la naturalisation. L’historien Isidore Ndaywell y consacre une bonne partie dans son livre Brève histoire du Congo (des origines à la République démocratique du Congo) aux éditions Mediaspaul dans lequel, il y décrit ce qu’il appelle « la poudrière du Kivu » et les origines de la Rwandophobie qui ont créé un climat de méfiance généralisée que les différents conflits successifs n’ont fait qu’amplifier. 

Quant à la télécommunication, le premier cas documenté concerne le réseau Télécel. Créé dans les années 80 par un Congolais rwandophone et utilisé par les nantis et les partisans de l’Ancien Régime Mobutu, la fiabilité de Télécel a été remise en cause au moment du début de la rébellion de 1996, insurrection dont les autorités affirmaient qu’elle était soutenue par le Rwanda. 

 

Le deuxième acte de cette phobie est à situer lors de la brouille entre le président Laurent Désiré Kabila et ses anciens alliés dont le Rwanda. La guerre qui s’en suivit et les événements qui en ont découlé ont développé une culture de la haine, entretenue par les autorités pendant la guerre de 1998 à 2002. Malgré la fin des hostilités et la signature d’un accord de paix, il n’y a eu aucune conférence de paix ou de réconciliation et les germes de la stigmatisation des Rwandais décrit comme envahisseurs sont restés ancrés dans l’opinion notamment à Kinshasa. Cette stigmatisation est même montrée d’un cran, à tel point que tous les habitants de l’est du pays sont considérés par une grande partie de ceux vivant dans la capitale comme des Rwandais.

Le mot Rwandais a pris une connotation tellement péjorative, que se faire traiter comme tel est devenue une insulte. Je vous épargne les rixes ou autres altercations auxquelles j’ai assisté, dans lesquelles des gens se faisaient traiter de Rwandais. 

Ces fausses cartes d'identité ont circulé sur la toile. Hormis la Première dame, le ministre de la décentralisation ou la porte-parole adjointe du Président, tous originaires du Kivu, sont traités de Rwandais infiltrés.


Une haine ambiante que plusieurs trolls voire des politiciens ont su tirer partie. Pendant la campagne électorale, ce troll a diffusé une vidéo dans laquelle il accusait un candidat du parti au pouvoir de s’exprimer en Kinyarwanda en faisant de fait, un Rwandais donc un traître. 

A peine nommée porte-parole adjointe à la Présidence, la journaliste Tina Salama est accusée d'avoir des origines rwandaises


Lors de l’ouverture historique de la ligne entre Kigali et Kinshasa desservie par la compagnie Rwandair, de nombreux internautes animés par cette phobie ont vite crié au complot contre la compagnie nationale Congo Airways, prétextant qu’elle aurait dû bénéficier de la réciprocité. De faux prix ont même circulé pendant longtemps pour montrer que le trajet Kigali – Kinshasa qui est plus long et desservi par Rwandair était moins cher et plus compétitif que l’itinéraire alternatif de Kinshasa – Goma pourtant plus court et desservi par Congo Airways.
 

 

Dénigrement du Rwanda par des Congolais
Dans cette vidéo, une prétendue commande de 17 avions par Rwandair est sensée dénigrer la petite taille de la flotte de Congo Airways et indexer les autorités de la RDC

Alors quand la presse (Top Congo) parle de « révélations » sur quelque chose qui est connue depuis des années, ce n’est pas en soi la sécurité nationale qui préoccupe tellement ceux qui ont réagi, mais le fait que là aussi, ce soit le Rwanda qui soit cité, renforçant la perception de ceux qui voient d’un mauvais œil le rapprochement diplomatique entre Kinshasa et Kigali.

A l’heure où les autorités de Kinshasa ont fait de la coopération et de l’intégration régionale leur cheval de bataille, les vieilles plaies du passé ne se sont pas encore cicatrisées au sein de la population. Les trolls de tout genre exploitent au maximum les émotions enfouies par une population à laquelle on a pendant des années dit que les Rwandais étaient des envahisseurs qui convoitent depuis des années de conquérir et d’agenouiller le Congo. 

Cette affaire ridicule de pseudo-révélation d’atteinte à notre sécurité nationale en est une énième illustration. 

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