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par Trésor Kalonji

Interview avec le Prof Kodjo Ndukuma : l'un des architectes du Plan national du numérique

30 Août 2019 , Rédigé par TDK Publié dans #Afrique, #RDC, #numérique, #digital

À quelques jours de la tenue de l’atelier national de validation du Plan numérique national, le Professeur Kodjo Ndukuma m'a accordé une interview pour expliquer les grands axes de ce document.
Enseignant du droit du numérique, il m’a donné les grandes lignes du document dont il est l’un des principaux architectes.

 

Bonjour Professeur. Nous avons sur les réseaux sociaux la remise symbolique du Plan national du numérique (PNN) par le conseiller spécial du chef de l’Etat en charge de la question. Quelles sont les raisons qui ont milité pour son élaboration ?
R/ Bonjour à vous. Le but quand nous avons commencé à le rédiger avec d’autres acteurs du numérique était de mettre sur pied un cadre global de référence qui devrait tracer la voie à suivre pour que la révolution du numérique devienne une réalité. Le président de la République a pris cette question à bras-le-corps et cela s’est matérialisée notamment par la création du poste de conseiller spécial sur cette question.
 

En parcourant le plan, il y’a plusieurs aspects qui ont été évoqués dans plusieurs domaines. Mais l’on remarque que des services que l’Etat peut fournir de façon dématérialisée comme le visa électronique n’ont pas été épinglés. D’autres aspects plus concrets sur la cybersécurité et les compétences des entités dont la création est suggérée ne sont pas très claires. N’a-t-on pas là, mis la charrue avant les bœufs, comme il est souvent de coutume quand il est question de planification dans notre pays ?
R/ Je ne pense pas. Les éléments que nous avons insérés servent de pistes. Nous ne nous plaçons pas à ce stade en qualité d’organe de régulation ou d’exécution en lieu et place des entités concernées par ses réformes. Le plan national se veut être un document de référence sur base duquel, chacune des entités qui compte lancer sa transformation numérique pourra s’inspirer. Ce sont ces entités qui, après avoir compris la philosophie générale du gouvernement en la matière, pourront mettre en place les objectifs spécifiques à atteindre, les indicateurs de réussite et tout ce qui leur permettra d’émerger.

Donc le plan est un guide de référence sur lequel les ministères et les entités gouvernementales devront chacune s’adapter ?
R/ En effet. Le problème qui a longtemps prévalu dans notre pays est que nous n’arrivions pas à anticiper les changements inhérents au développement de la technologie, à tel point que nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises butés à des difficultés liées à ceux-ci. 

L’exemple le plus parlant est l’affaire des passeports biométriques. Après tous les problèmes de sécurité liés aux passeports semi-biométriques à l'international, la RDC n’a pas eu d’autres choix que de s’adapter à cette donne sécuritaire et écarter ces passeports, faisant migrer tout le monde vers le biométrique. Cela a suscité bien évidemment de multiples remous dans l’opinion, qui ne comprenait le bien-fondé de cette démarche. 
 

C'est notamment le cas avec la loi-cadre sur les télécoms qui a été rédigée après que la télécommunication se soit développée dans le pays ?

R/ Oui. Les innovations et les transformations technologiques se sont implantées et ont modifié trop rapidement notre environnement, sans que la législation ne suive le rythme ou même ne l'anticipe. 

 

Le plan national du numérique tel que vous l’envisagez est donc une stratégie pour anticiper le développement technologique et l’intégrer au processus de planification gouvernementale ?
R/ Tout à fait. Un autre exemple à donner est celui de l’enseignement supérieur et universitaire qui a connu un certain nombre de scandales liés au harcèlement sexuel des étudiantes par des enseignants ou des cas de corruption. Dans ce contexte, l’utilisation de la technologie a été pensée comme l’une des solutions pour y remédier. C’est ainsi qu’ici, à l’Université protestante, nous avons anonymisé les copies d’examens afin de garantir la sécurité des étudiants. 

Les profs en corrigeant ont devant eux des copies codées. Il est donc impossible dans ces conditions qu’il ou qu’elle puisse exercer une quelconque pression financière ou solliciter une faveur d’un autre ordre. Cela a sensiblement résorbé ces cas. C’est une stratégie qui pourrait s’uniformiser dans tous les établissements par exemple. 
D’autres cas concernent l’état-civil. Permettre une traçabilité de toute personne née en RDC dès sa naissance permettra de faciliter plusieurs aspects administratifs : obtention d’un passeport, recensement, fiscalité, etc.

 

C'est le problème que nous avons aujourd’hui avec l’enrôlement des électeurs réalisé sans être passé par le recensement  ?
R/ Tout à fait. Et l’e-administration que nous avons envisagé dans le PNN consiste justement à faciliter ce processus. Il ne va pas le remplacer, mais le faciliter. En France par exemple où je réside, c’est au niveau de l’État-civil qu’on gère tout ce qui est passeport et carte d’identité. 

 

Qu'avez vous envisagé comme mesure d'accompagnement de ces résolutions. Laisser la latitude aux organes du gouvernement de les mettre en pratique sans qu'il y'ait une supervision ? Y'aura-t-il des moyens de coercition pour les récalcitrants éventuels ?

R/ Comme je l'ai dis auparavant, le monde évolue à son rythme et un ensemble de processus connaissent de plus en plus de mutations. Si notre pays veut éviter de continuer à subir ces changements comme ce fut le cas avec l'affaire des passeports, nous devons les anticiper et changer notre façon de faire. Certaines administrations publiques sont déjà très avancées.

Le guichet unique à l'import/export par exemple, regroupe une dizaine de ministères qui ont dématérialisé plusieurs procédures administratives. Certaines de nos ambassades à l'étranger ont fait de même pour la prise des rendez-vous et le traitement de certaines procédures qui se font désormais en ligne

 

Il est essentiel que ces entités comprennent l'intérêt à changer leur façon de travailler pour optimiser leur rendement. Le PNN est le cadre sur lequel ils pourront puiser l'inspiration et les orientations nécessaires. Mais ce sera à ces entités de pouvoir mettre sur pied leurs propres plans d'action et mécanismes d'accompagnement de cette transformation numérique. 

 

Professeur Kodjo, merci de m'avoir reçu et d'avoir accepté de répondre à mes questions
R/ C'est moi qui vous remercie.

 

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