Pédagogie numérique : les profs peuvent utiliser les jeux vidéo pour enseigner
Une école qui dispose d’une salle informatique pense qu’elle ne peut servir que pour apprendre…l’informatique. Pourtant, ces machines, tout comme votre téléphone peuvent aider votre enfant à approfondir ce qu’on lui enseigne à l’école.
Il y’a quelques semaines, j’ai été invité pour parler de l’utilité des jeux vidéo dans l’éducation. Je pense que la problématique telle que pensé par les organisateurs de cette rencontre consistait à parler de l’incidence des jeux dans l’enseignement primaire. Le public par contre lui, entrevoyait plus la discussion sur la place des jeux vidéo dans notre société en général.
C’est mon co-intervenant, Dolin Pululu, qui lancera le débat en présentant sa start-up, qui commercialise des tablettes de jeu pour les enfants.
Son constat est parti de l’insistance qu’avaient ces enfants de s’approprier son téléphone ainsi que celui de son épouse pour se divertir avec les jeux qui s’y trouvent.
Il est à noter que depuis que les enfants savent que les téléphones possèdent des jeux, ces appareils sont constamment sollicités et subissent des dépréciations diverses : écrans cassés, batteries usées, boutons non-fonctionnels. C’est ainsi que lui vint l’idée d’acheter des tablettes avec des jeux personnalisés pour les enfants.
Le succès escompté avec ses filles, emmènera Dolin à transformer cela en business. Une affaire prometteuse, malgré le contexte socio-économique difficile.
La Place des jeux en classe
En prenant la parole, j’ai insisté sur la place que prennent les jeux vidéo dans l’apprentissage en classe. La projection de jeux vidéo qui illustraient comment un jeu avait été utilisé par un professeur d’histoire pour approfondir les connaissances de ses élèves sur un aspect particulier du cours, a suscité l’intérêt du public qui pour la première fois, a envisagé le jeu vidéo sous un aspect pédagogique.
Pédagogique, parce que lorsque les jeux vidéo viennent à l’esprit des gens, deux images émergent dans nos esprits : c’est un loisir spécifique aux enfants et il n’est destiné qu’au divertissement (sans oublier qu'ils favorisent le relâchement scolaire et l'école buissonnière). Des assertions réductrices qu’il fallait vite fixer.
Lorsque j’ai fait découvrir l’Age des Empires par exemple à mon entourage, j’ai pu remarquer à quel point des personnes, ayant des notions d'histoire limitées, ont acquis grâce à ce jeu des connaissances solides sur les civilisations anciennes ou la conquête de l’Ouest américain.
L’économie, la diplomatie, l’organisation du travail, la délégation des tâches ; autant d’aspects que ces joueurs ont développés. En rencontrant certains d’entre eux aujourd’hui, ils ne cessent de me demander si j’ai une nouvelle version de BOYAFERLO (une expression espagnole contenue dans le jeu).
1000 kilomètres plus loin, à l’Académie militaire de Kananga, ce jeu, que des élèves officiers feront découvrir à quelques-uns de leurs instructeurs belges, sera officieusement considéré comme une ressource dans l’apprentissage de la tactique militaire.
Les Profs à la manœuvre
À chaque cours enseigné dans nos écoles pourrait correspondre un jeu permettant d’en approfondir le contenu. Car comme je l’ai dit lors de mon exposé, les jeux ne sont pas là pour remplacer les enseignants ou l’apprentissage, mais plutôt comme un support de formation qui favorise l’immersion de l’élève dans un contenu trop souvent abstrait.
Des élèves qui jouent à un jeu relatif à ce qu’ils ont appris en classe le comprennent mieux et disposent des atouts pour faire leur propre narration d’un sujet puisque le jeu les place comme acteur de premier plan sous l’encadrement des professeurs.
Il appartient donc aux professeurs d’identifier quels sont les jeux, de les intégrer (installer) au sein de leur parc informatique si l’école en dispose et d’alterner la théorie (les cours enseignés en classe) et la pratique en salle qui permettraient ainsi aux élèves de faire leurs devoirs à domicile après expérience en construisant une narration partant de leur expérience personnelle dans le jeu.
Beaucoup limitent encore la place du numérique à l'école à la seule informatique pris comme cours. Chaque cours a potentiellement une part de numérique en lui qui peut être exploité pour dynamiser l'apprentissage
Et si les profs résistent ?
Une interrogation légitime qui repose sur une attitude générationnelle entre les caciques qui ne voient pas l'intérêt de changer ce que les Belges leur ont appris comme méthode pédagogique et une nouvelle génération de professeurs, qui pourraient voir en ces outils numériques, une façon de moderniser et d'améliorer la qualité de la formation.
Un fossé sur la compréhension même du numérique que la première catégorie cantonne à son usage administratif et à l'enseignement de l'informatique et du second qui y voit une pédagogie "active" et non-passive, facilitant la création et la réflexion chez l'élève. Au lieu de se lancer dans une guerre de tranchées, il serait préférable de laisser dans un premier temps l'initiative aux écoles au lieu de penser globalement à une réforme nationale.
De nombreuses écoles mettent des frais exorbitants variant de 600 à 1500 $ par an et par élève à Kinshasa, au motif qu'elles disposeraient des dernières innovations pédagogiques existantes, qui se résument souvent à un apprentissage précoce de l'informatique et à une instruction bilingue (en français et en anglais). Certaines écoles vantent même le fait que leurs élèves disposent de tablettes dès la maternelle. Dans le fond, tout cela n'est très souvent que de la poudre aux yeux, une approche marketing assez trompeuse. L'important n'est pas de mettre une tablette entre les mains d'un enfant pour qu'il joue, mais plutôt de faire en sorte que cette tablette, cet ordinateur, soit le prolongement de ce qu'il apprend directement de son maître.