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par Trésor Kalonji

Apollo onze cha-cha-cha : quand la RDC (Zaïre) cherchait à conquérir l'espace

19 Juillet 2019 , Rédigé par TDK Publié dans #Afrique, #RDC, #espace, #astronaute, #satellite, #Apollo11

Alors que le monde célèbre le cinquantenaire de l’alunissage de trois astronautes américains sur la lune le 20 juillet 1969, l’on oublie que cette prouesse avait fait naître des ambitions à plusieurs nations comme la République démocratique du Congo.

Nous sommes en 1975, Frederic Weymar, un homme d’affaires ouest-allemand, venait d’organiser le très retentissant combat du siècle entre Mohamed et Georges Foreman à Kinshasa. Au détour d’une conversation, il rencontre Lutz Kayser, un jeune ingénieur allemand passionné de l’espace, qui travaille sur une technologie révolutionnaire pouvant permettre à des privés de se doter de satellites. L’occasion est belle pour Weymar de vendre l’idée au Maréchal Mobutu dont il connaît les appétits de grandeur. « Avec nos satellites, vous allez pouvoir suivre les mouvements de la moindre souris sur toute l’étendue du Zaïre ». 

Mobutu est séduit en quelques minutes et accorde une étendue de près de cent mille mètres carré à l’est de la RDC jusqu’en 2025 à Lutz Kayser et à sa société pour mener leurs expériences. 

Déjà, les astronautes de la mission lunaire Apollo 11 avaient visité la République démocratique du Congo, en faisant le seul pays africain où ils effectuèrent leur tournée internationale.

Les astronautes de la Mission Apollo 11 paradent dans les rues de Kinshasa (Léopoldville)- RDC
Les astronautes de la Mission Apollo 11 paradent dans les rues de Kinshasa (Léopoldville)- RDC

 

 

Imaginatifs, les habitants de la capitale Kinshasa, leur avaient déjà fait un chant de gloire : Apollo 11 cha-cha, une réplique actualisée d'indépendance cha-cha, le chant populaire ayant célébré l'indépendance du pays en 1960. Revoyez en vidéo leur accueil dans la capitale congolaise.

Des voisins inquiets
Dans un contexte de guerre froide, beaucoup voient d’un mauvais œil, le développement de fusées par des citoyens d’Allemagne de l’Ouest après la fin de la Seconde Guerre mondiale et le renoncement de l’Allemagne à ses ambitions militaires. 

Le président Mobutu sur le site d'essai des fusées
Le président Mobutu sur le site d'essai des fusées

D’autres, y voient plutôt une tentative de Mobutu de se dôter d’un avantage militaire stratégique dans la sous-région, alors qu’il soutient l’Unita de Savimbi contre le pouvoir communiste de Luanda appuyé par Cuba et l’Union soviétique. 

Des pressions diplomatiques sont exercées sur le Marechal pour que cessent les expériences, notamment par le chancelier ouest-allemand Helmut Schimdt qui sollicitera le président Valéry Giscard d’Estaing ou encore, le Zambien Kenneth Kaunda et le nigérian Olegun Obasandjo. Une pression à laquelle le président Mobutu finira par céder.

Troposphère
A la chute de Mobutu, une poignée d’ingénieurs et de chercheurs sont recrutés par Mzee Laurent-Désiré Kabila pour former un centre de recherche dans l’armement après l’éclatement de l’AFDL. Parmi eux, des jeunes qui, à la fin de la guerre et la signature de l’accord de paix de Sun city, vont se reconvertir à la recherche spatiale. 

Jean Patrice Keka, créera dès lors la société DTA et reprendra une partie des expériences entreprises dans le centre de recherche avancé de défense pour développer les fusées, baptisées Troposhère pour mettre en orbite des satellites. Plusieurs essais seront réalisés entre 2007 et 2009. 

Puis naquit le PNRST
Alors que Patrice Keka et DTA faisaient du lobbying pour obtenir des financements pour leurs fusées, un autre projet naîtra dans le sillage de sa médiatisation. Le Programme national de recherche spatial et technologique. Malgré ses allures officielles, l’initiative semble être là aussi, plus une initiative privée, entreprise par le Docteur Blaise Wamba Yetshi. Ce dernier réunit autour de lui une pléiade d’ingénieurs et d’analystes. 

Son projet de satellite baptisé KLK-WC50 (Kimbangu-Lumumba-Kabila-Wamba-Congo 50) était prévu pour être lancé à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC. Le Docteur Wamba organisera une tournée dans les entreprises publics et privés pour sensibiliser mais également, lever des fonds pour le projet qui devait être réalisé sur le sol français. Le projet était piloté par le chef de travaux Bruno Kahindo de la Faculté de polytechnique de l’Université de Kinshasa.

Jamais 2 sans 3
Puisque tout le monde commence à s’intéresser aux satellites, la Renatelsat, la société publique en charge de la retransmission des signaux s’invite dans la danse et annonce, elle aussi, tambours battants, qu’elle prépare le lancement de son propre satellite Congo Sat 1.

Ce satellite devrait relier 366 villes congolaises au réseau de télédistribution et permettre à l’entreprise qui avait sombré dans l’oubli de renaître de ses cendres. A l’heure où j’écris ces lignes, j’apprends que la société a signé un partenariat pour exploiter un autre satellite déjà en activité (Belintersat-1).

Que retenir des étoiles ?
Quand je regarde la voie lactée le soir, je m’interroge si toutes les tentatives de mon pays d’envoyer des fusées dans l’espace avaient un but précis. Obsédé comme il l’était par la pérennité de son régime, il était admissible pour Mobutu de l’utiliser pour surveiller ses citoyens. La Renatelsat a également peut-être bien imaginé le fait de relier des villes d’un pays aussi vaste, mais alors ?

Après avoir été convié à écouter l’astronaute américain Robert Curbeam de passage à Kinshasa, j’ai appris qu’un groupe de jeunes étaient sensibilisés pour s’intéresser aux STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) sans quoi, on ne peut pas espérer avoir la main d’œuvre qu’il faut. 

Je rencontre pour la deuxième fois l'astronaute américain Robert Curbeam lors de son passage à Kinshasa.
Je rencontre pour la deuxième fois l'astronaute américain Robert Curbeam lors de son passage à Kinshasa.

Une initiative complétée par la savante Sandrine Ngalula qui a lancé une initiative similaire pour les jeunes filles. Côté main d’œuvre, d’accord, mais qu’en est-il de la politique ? Qu’allons-nous aller faire dans l’espace ?

- Faire du Business : loin des considérations strictement sécuritaires ou de communication, la libéralisation du secteur pourrait permettre à celui ou ceux qui désirent investir dans ce domaine, de pouvoir le faire sans trop d’accrocs. Les défis rencontrés par DTA auraient été pires s’ils n’avaient pas eu les appuis dont ils jouissaient. 

Vous vous imaginez la tête que feraient les agents de la direction générale des impôts, si vous vous présenter dans leur bureau en disant que vous vous lancer une entreprise qui fabrique des composants pour satellites ou des satellites tout court ? 

Sans compter qu’on vous fera passer par l’agence nationale des renseignements, les services spéciaux et probablement toute la chaîne de commandement de l’Armée avant de vous autoriser sur papier.

- Rapatrier les cerveaux : si Sandrine Mubenga a décidé de revenir, quand est-il d’autres, tapis dans l’ombre, dans d’autres pays et nourris de Congo pessimisme à profusion ? Je pense notamment à Fassy Kafyeke responsable de l’aérodynamique chez Bombardier.

- Créer une agence nationale : qui devra exécuter la politique que le pays veut mener dans l’espace. L’ambition de faire de la RDC une puissance continentale ne peut pas que reposer sur son potentiel géologique ou humain, mais également sur sa faculté de devenir une puissance spatiale. Avec 2.000 kilomètres de frontières partagées entre neuf voisins, c’est plus qu’une nécessité, mais un devoir.

L'astronaute Robert Curbeam et l'Ambassadeur des USA à Kinshasa Mike Hammer

 

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